La morphine est très utilisée dans le milieu médical et il en existe plusieurs types. Si elle fait peur à certains, d’autres l’aiment beaucoup, voire un peu trop. La dépendance est-elle obligatoire lorsqu’on prend de la morphine ?
Prescrite pour gérer les douleurs, elle a un potentiel addictif assez fort. Mais pour autant, devient-on accro facilement à la morphine ? Quels sont les risques ?
De quelle façon peut-on gérer les risques de dépendance lors de prescriptions pour douleurs chroniques ?
Lorsque vous avez mal, on vous prescrit des antidouleurs la plupart du temps. Mais il arrive que ces douleurs dépassent un certain stade et deviennent résistantes aux antidouleurs classiques. Elles deviennent chroniques et c’est là que la morphine peut entrer en jeu. On reproche d’ailleurs l’utilisation trop courante de cette dernière, surtout dans des pays comme les Etats-Unis par exemple. Alors ok on les prescrit mais les utiliser n’est pas pour autant une obligation ! Malgré vos douleurs persistantes, il y a certains points auxquels il faut faire attention avant l’usage de ce médicament au potentiel fortement addictif. Le Dr Valérie Piguet, spécialiste de la douleur aux Hôpitaux universitaires de Genève, nous en dit plus.
Devient-on dépendant d’un traitement à la morphine ?
Tout dépend du type de dépendance. « La morphine provoque une dépendance physique, prévient le Dr Piguet, comme le font de nombreux médicaments. Le corps s’habitue à la substance en question et si l’on arrête brusquement le traitement, vous connaîtrez des symptômes de sevrage (douleurs diffuses, irritabilité, bâillements, transpiration dans le cas de la morphine). Si l’on souhaite arrêter, on diminuera donc progressivement les doses. »
Si la dépendance physique existe, il y a aussi une dépendance psychique qui peut se créer. Cela joue sur notre volonté, notre raison et nos émotions et la substance finit par influencer tous ces points. On en arrive à croire que c’est impossible de fonctionner sans elle. Erreur ! « Elle ne touche cependant pas tout le monde, et elle connaît divers degrés, relativise le Dr Piguet. Il y a une gradation qui commence par un ‘mauvais usage’ d’une substance pour passer parfois à l’abus qui ne concerne qu’une minorité de nos patients traités contre la douleur. Le dernier stade de cette progression est la toxicomanie, une situation où l’on recherche à tout prix la molécule, quels que soient les désagréments qu’impliquent sa consommation et le fait de se la procurer. C’est cependant un phénomène rare. »
Pourquoi suit-on un traitement à la morphine ?
Si vous pensiez que l’objectif était de faire disparaître la douleur, vous faites fausse route. D’ailleurs, elle ne disparaitra pas, elle sera toujours là, mais cela permet de retrouver une qualité de vie et une mobilité car elle ne vous atteint plus. Si vous avez ces deux points, l’objectif du traitement est atteint. Si aucune amélioration n’est visible, alors votre médecin cessera ce traitement au profit d’une autre solution.
Quels types de personnes ont le plus de risques de développer une dépendance ?
« Statistiquement, les facteurs de risque d’une telle addiction chez les patients souffrant de douleurs chroniques sont la présence préalable d’une autre dépendance (alcool, drogues), d’une maladie psychiatrique, le fait de connaître des douleurs diffuses ou d’être un homme jeune (de 25 à 40 ans). Il y a aussi probablement des facteurs génétiques même si nous les connaissons mal. On peut ajouter une attitude, celle qui consiste à dire ‘ce sont uniquement les médicaments qui me feront aller mieux’. Parce que, dans le cadre d’une douleur chronique, prendre des médicaments ne diminuera pas la souffrance liée à des situations de vie qui sont souvent très difficiles. Enfin, il faut souligner que les personnes qui commettent des abus sévères sont souvent psychiquement malades. Mais interdire la morphine à tous les patients psychiatriques, ce n’est pas éthique comme solution.» nous explique le spécialiste.
Peut-on faire certaines choses pour échapper à la dépendance de la morphine ?
Tout à fait. En premier lieu, il faut vous faire contrôler régulièrement par votre médecin (celui qui vous prescrit le traitement). Spécialisé dans ce type de traitement, il sera à même de détecter les signaux négatifs comme l’anxiété, les troubles du sommeil, du stress, …
Ensuite, vous pouvez vous-même être vigilant en suivant bien la prescription et en ne dépassant pas les doses de morphine, même si vous la sentez moins efficace. Parlez en plutôt à votre médecin qui saura comment réagir. Ne mélangez pas avec d’autres médicaments, certains mélanges peuvent être mortels. Suivez bien régulièrement votre traitement pour une efficacité optimale. Faites aussi attention où vous rangez votre morphine, mettez la sous clé pour éviter tout « accident » avec une personne de votre entourage, particulièrement s’ils sont jeunes. Un seul médecin pour vos prescriptions.
Y a-t-il des effets secondaires ?
Oui, surtout avec la morphine. À son commencement, on observe souvent une constipation, des nausées et une somnolence, parfois des hallucinations et des démangeaisons. La constipation est un effet secondaire qui accompagnera tout le traitement, la morphine paralyse en effet en partie le tube digestif. Il faut donc impérativement la traiter, il existe d’ailleurs aujourd’hui des médicaments qui associent la morphine à un antidote qui évite que la morphine n’agisse sur le système digestif.